Les forces aériennes manquent parfois de capacités pour s'entraîner. Elles font appel à des sociétés privées (ESSD - Entreprises de Services de Sécurité et de Défense) qui jouent le rôle des agresseurs. Ce marché est en pleine expansion, avec des acteurs américains mais aussi français.
Les Entreprises de Services de Sécurité et de Défense (ESSD) se sont développées depuis une vingtaine d’années pour répondre au besoin croissant en sécurité de la part de tous les acteurs, privés et publics. La réduction des budgets de défense de nombreux pays explique le recours aux ESSD. Les entreprises déployées dans des pays dangereux apprécient la fiabilité des ESSD dans le management des risques à l’étranger. La technicité des équipements, la connaissance pointue des théâtres d’opérations sont des atouts considérables pour les Entreprises de Services de Sécurité et de Défense qui emploient souvent des spécialistes issus du renseignement ou des unités spécialisées de l’armée française.
Un outil pour l'action extérieure de la France
«Depuis que la guerre n’est plus froide, plus de 3000 soldats français ont été tués ou blessés dans leur chair et leur âme au service de la France». Entre 2007 et 2016, 154 militaires français ont été tués et 620 d’entre eux ont été blessés aux cours des opérations de maintien de la paix menées par la France à l’extérieur du territoire. Plus de 2200 militaires souffrent de stress post traumatiques imputables à leur participation aux opérations. Plus de 8000 soldats sont actuellement engagés dans des opérations extérieures, dont 3500 au Sahel (opération Barkhane) et 1500 contre Daech en Irak et en Syrie au sein de la coalition dirigée par les États-Unis d’Amérique.
Engagée à l’extérieur, la France en paye également «un prix du sang élevé» à l’intérieur même de son territoire. Depuis l’année 2015, elle s’est totalement engagée dans la lutte contre le terrorisme islamiste, mettant en œuvre son arsenal législatif, l’action de ses gouvernements et ses moyens de diplomatie, de défense et de sécurité. Cet état des lieux sommaire de l’implication de la France dans la conflictualité de ce début du XXIème siècle démontre son ambition de figurer parmi les nations qui comptent dans le règlement des crises. Cette implication n’efface pas pour autant les difficultés économiques et leur corollaire, la diminution des crédits de défense, conséquences durables de la crise financière mondiale de 2007.
Ainsi, à l’instar des deux autres principales puissances militaires européennes, la France ne possède plus, en propre, les capacités d’une ambition qui pour autant «ne saurait diminuer». Au-delà de certains vides capacitaires structurants, le sur-engagement de ses moyens en opérations et en métropole a conduit à une dégradation importante de son potentiel de défense, qui dans la durée, pourrait remettre en question l’équilibre d’un modèle d’armée déjà profondément éprouvé par une baisse constante des crédits qui lui sont affectés.
Engagées depuis 1994 dans un processus de réformes permanent, les armées françaises ont fait évoluer leur modèle suivant trois mouvements quasiment simultanés.
La première étape est celle de la suspension du service national et la transformation vers une armée professionnelle. Cette étape marque la fin d’un modèle d’armée de masses, voué principalement à la défense du territoire au profit d’un modèle plus ramassé, plus modulaire, projetable sur très court préavis à plus de 3000 km du territoire métropolitain.
La deuxième étape est celle de la «civilisation». Il s’agissait de transférer aux civils du ministère de la Défense des tâches organiques, initialement affectées à des militaires. Cette étape visait déjà à recentrer le militaire sur son «cœur de métier».
La troisième et dernière étape, appelée «externalisation», est le prolongement de la deuxième. En parallèle d’une profonde réforme de la gouvernance des armées, il s’agit de confier au secteur privé des tâches réalisées initialement en régie. Cette dernière phase a permis le développement d’une commande publique importante dans le secteur des «services à la défense», y compris dans le soutien des armées en opérations extérieures.
Si le processus d’externalisation constitue un élément bien visible de la transformation de l’État et des armées, il met en avant toute la singularité du modèle français de gouvernance. Il révèle la conflictualité entre l’idéologie et le pragmatisme, entre «l’État providentiel» et «l’État libéral». Il est aussi la source de nombreuses interrogations et de points de divergences politiques quant aux limites qu’on doit lui accorder. S’agissant de l’externalisation au sein du ministère des armées, l’approche pragmatique semble émerger. Le recours au secteur privé n’y est plus perçu comme un renoncement au «devoir de protéger» les citoyens mais comme le prolongement de l’action de l’État dans ce «domaine réservé du président de la république». Il s’agit en quelque sorte d’agir «autrement, au mieux», d’intégrer le secteur privé dans le principe de «l’économie des forces».
L’approche reste cependant prudente. Elle procède d’études «au cas par cas» d’un contrôle très étroit, d’un processus sans cesse évalué, d’une exigence très marquée, avec à la clé, un retour possible sur les bases de départ. La question de la présence d’entreprises privées en soutien des troupes françaises engagées en opérations relève encore du débat idéologique. Quant à leur engagement en zones de combat, elle est à ce jour exclue du débat.
En marge de cette problématique, se pose la question de l’implantation d’activités économiques dans des pays en proie à des troubles internes ou dans des zones post-conflit. Les acteurs économiques français, dont le socle est constitué de petites et moyennes entreprises, peinent à trouver des relais de croissance à l’étranger, au-delà du marché européen. Leurs dirigeants hésitent notamment à développer des activités dans des zones à risques par manque de garanties de sécurité pour leurs salariés ou par crainte que leur activité ne survive pas au désengagement militaire de la France dans ces zones.
La France est le deuxième pourvoyeur de forces armées dans les conflits du Sud-Est méditerranéen et du Moyen-Orient. Elle est la première puissance militaire occidentale impliquée dans le contrôle de la zone subsaharienne. Elle est la seule puissance européenne à posséder une capacité d’entrée en premier sur un théâtre d’opérations extérieur.
Paradoxalement, la France n’est pas en capacité d’entrer en premier sur les marchés de reconstruction. Au-delà de l’approche mercantile, c’est tout un volet de l’action extérieure de la France qui ne peut se développer, alors qu’il doit compter comme part entière dans l’approche globale de la gestion des crises.
C’est dans ce contexte incertain que tentent de se développer les entreprises.de service de sécurité et de défense (ESSD) françaises. Leur nombre évolue entre trente et quarante, parmi lesquelles semblent s’installer durablement Amarante international, Erys Group, EPEE et sa filiale ESEI ou encore Gallice.
Les activités des ESSD ont été classées dans la littérature selon des critères variés. Ceux qui caractérisent le mieux les entreprises françaises sont au nombre de trois : les activités de sécurité armées ; la fourniture d’expertises, de service de sûreté et de formation militaires ; la fourniture de soutiens militaires.
Celles qui intéressent le ministère des armées peuvent être classées en deux catégories : «les services de défense» et «les services à la défense».
Celles qui intéressent les grands groupes industriels sont principalement liées à la sécurité et la sûreté à l’international. Les ESSD françaises se positionnent donc indifféremment dans le champ des marchés publics et celui du BtoB.
Il existe cependant un troisième champ d’exploration sur le marché des ESSD. C’est celui des institutions internationales et des organisations non gouvernementales à rayonnement international.
Le recours à ce secteur apparaît à bien des égards comme une condition nécessaire à la projection des entreprises françaises en zone à risques et comme un moyen de prolongement de l’action de l’État français en complément et au-delà de l’engagement de ses forces armées. À l’aune des enjeux stratégiques, économiques de ce début de siècle, les ESSD françaises sont donc à considérer comme un complément nécessaire à l’action extérieure de la France.
Pourtant, les ESSD françaises ne parviennent pas à s’imposer et sont maintenues à l’écart d’un marché des services de sécurité et de défense mondialisé, exponentiel, très concurrentiel, dominé par les anglo-saxons et convoité par des pays émergents. Le retard pris dans ce domaine pourrait priver la France d’un levier de puissance et d’influence important, alors que ce levier s’impose naturellement depuis plus de cinquante ans dans la stratégie d’autres pays. Les sociétés françaises de services de sécurité et de défense se sont développées de façon isolée, sur des modèles économiques, des constructions capitalistiques et des statuts juridiques différents, en dehors du cadre protecteur de l’État français.
Ce retard n’est pourtant pas impossible à combler, dès lors qu’une véritable dynamique de consolidation du secteur sera enclenchée. Les acteurs de cette dynamique sont nombreux et doivent être fédérés autour d’une stratégie partagée et assumée, d’un cadre juridique national consolidé et d’une doctrine d’emploi compatible avec les buts de chacun.
Il s’agit d’abord d’évaluer comment les ESSD françaises se positionnent au regard du potentiel qu’elles représentent pour l’action extérieure de la France. Cette étude ne saurait faire l’économie d’un état des lieux de ce secteur, de la typologie de ses entreprises, de l’analyse de l’offre et de la demande de services de sécurité et de défense, sur le marché national mais aussi sur le marché mondial, à travers le prisme de l’héritage historique, des enjeux politiques et économiques. Cet état des lieux doit permettre de mieux appréhender les causes du retard, qu’elles soient d’ordre culturel, juridique, liées à la conjoncture ou d’ordre structurel.
Il convient ensuite d’envisager les perspectives de développement qui s’offrent aux ESSD françaises. Les contours d’une politique ont déjà été bien définis. Il reste à construire le modèle. Les institutions et les acteurs privés doivent en effet trouver ensemble un modèle de développement adapté aux enjeux et aux particularités. Compte tenu de l’aspect très singulier de certains services offerts, le développement des ESSD françaises est viscéralement lié à des actions concrètes de la part de l’État. Ces actions passent inéluctablement par le cadre législatif, mais aussi par une organisation administrative permettant à l’État de protéger le secteur tout en anticipant les éventuelles dérives.
Source Theatrum-Belli
ESSD françaises
Apache Aviation - Training and Services
AVdef - Aviation Defense Service S.A.
ARES Aviation SDTS-SECAERO - Advanced Redair European Squadron (REDAIR - MRO/MCO)
Secamic - Leader français des pièces de rechanges et des équipements aéronautiques
ESSD étrangères
ATAC - Airborne Tactical Advantage Company
Draken International - Draken Aero
TACAIR - Tactical Air Support, Inc
Procor - Warfighter Training Needs Air Assets